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31 mai 2019 5 31 /05 /mai /2019 11:24

La qualité des eaux de baignade est déterminée par l’ARS (agence régionale de la Santé).

Elle est régie par la directive 2006/7/CE. Cette directive est la règle du jeu que doivent suivre à la lettre tous les États européens.

Ce texte est téléchargeable à partir de tout bon moteur de recherche. Il est, comme tout texte de loi, fort compliqué à lire, truffé de règles plus alambiquées les unes que les autres…

Le seul critère retenu pour déterminer l’état d’un site de baignade est la concentration en bactéries fécales (E.Coli et entérocoques)

Alors, qui a pris le temps de lire ce texte ? Et surtout, qui l’a compris ?

 

Allez en parler à votre Maire si vous habitez sur une commune littorale. Poser lui la question suivante :

 

Comment est déterminé le classement d’un site de baignade ?

 

Vous aurez une réponse évasive, ou pire, un discours du style : « C’est la moyenne des analyses faites pendant l’été par l’ARS... »

 

C’est entièrement faux !

 

Le classement d’un site de baignade est le résultat de deux calculs statistiques de haut vol : les percentile 90 et percentile 95.

 

Voici littéralement les formules :

 

On est bien loin d’un simple calcul de moyenne arithmétique des analyses réalisées durant l’été…

Votre Maire maîtrise-t-il les écarts types, la fonction antilog( ) ?

Il faut déjà un bon bagage mathématique pour manier ces outils que sont les percentiles 90 et 95.

Il faut bien comprendre, à ce niveau, que l’ARS est la seule habilitée à décerner le classement d’un site de baignade. Elle est la seule à disposer des tableaux informatiques qui calculent automatiquement ces percentiles.

Il leur suffit de rentrer le corpus d’analyses retenues durant les 4 dernières périodes estivales et le classement en sort mathématiquement. Cela semble sans appel, non négociable et non discutable.

 

Mais comme bien souvent, le diable est dans les détails.

 

J’ai bien écrit, ci-dessus, « le corpus d’analyses retenues durant les 4 dernières périodes estivales » et on va voir que les Maires sont passés maîtres dans l’art de contourner cette directive 2006/7/CE.

 

Alors, Mmes et Ms les Maires, voici quelques trucs et astuces pour garder un classement présentable pour votre plage.

 

Leçon n°1 : « Bidouiller au quotidien »

 

La chose est maintenant bien connue de tous, la concentration en bactéries fécales d’une eau de baignade est intimement liée à la pluviométrie.

Quand il pleut, le ruissellement entraîne un ravinement des terres agricoles et les concentrations en bactéries ont tendance à monter en flèche quelques heures après.

 

Les Maires, sûrement bien conseillés, ont trouvé une parade dont ils usent et parfois abusent : Les fermetures préventives.

 

Voici ce qu’on a pu lire dans le bulletin municipal de la commune de Landunvez  (n° 1756) :

« Lors de précipitations pluviométriques importantes et afin de réduire les risques liés à la baignade, et par mesure de sécurité et de salubrité publiques, des fermetures préventives sont prises. »

 

Sous prétexte de se soucier de la santé des baigneurs, les maires décident de fermer leurs plages après les épisodes pluvieux. Ils financent ensuite une analyse par jour jusqu’à obtenir un bon résultat, synonyme de réouverture. (quid du coût de ces analyses?)

 

Nos maires sont-ils seulement soucieux pour notre santé ?

 

En fait, ils ont tout à gagner à fermer leurs plages après une pluie. En effet, toute analyse réalisé par l’ARS durant la période de fermeture préventive sera retirée du corpus d’analyses réalisées durant la période estivale.

En résumé, le corpus d’analyses retenues n’est plus du tout un tableau représentatif de l’état du site de baignade pendant la période estivale mais plutôt le reliquat des analyses réalisées uniquement lors des périodes de beau temps.

 

C’est un peu comme si on prenait sa température uniquement pendant les jours où on n’a pas de fièvre !

 

L’association APPCL a réalisé des tableaux récapitulatifs qui recensent les fermetures préventives et on peut y voir que ce procédé est maintenant devenu systématique.

 

Entre le 15 juillet et le 15 août 2017, par exemple, la plage de Penfoul (Landunvez) a été fermée 13 jours sur 31 (soit 42 % du temps!)

 

 

Leçon n°2 : « prendre des libertés avec les mathématiques »

Les formules mathématiques qui permettent d’obtenir les percentiles 90 et 95 sont des formules statistiques.

Comme souvent avec les formules statistiques, il est possible d’écarter ce qu’on appelle les valeurs extrêmes. Ce sont des valeurs qui sortent vraiment de l’ordinaire et qui peuvent être par exemple des erreurs de mesure.

 

Définition Wikipedia :

En statistique, une donnée aberrante est une valeur ou une observation qui est « distante » des autres observations effectuées sur le même phénomène, c'est-à-dire qu'elle contraste grandement avec les valeurs « normalement » mesurées. Une donnée aberrante peut être due à la variabilité inhérente au phénomène observé ou bien elle peut aussi indiquer une erreur expérimentale. Les dernières sont parfois exclues de la série de données.

 

 

La directive 2006/7/CE, faisant appel à une formule statistique, permet logiquement d’écarter un certain nombre de valeurs sortant de l’ordinaire.

 

« Le nombre d'échantillons écartés conformément à l'article 3, paragraphe 6, à cause d'une pollution à court terme au cours de la dernière période d'évaluation ne représente pas plus de 15 % du nombre total d'échantillons prévu dans les calendriers de surveillance établis pour la période en question, ou pas plus d'un échantillon par saison balnéaire, la valeur la plus élevée étant retenue. » (Extrait de l’Annexe II de la directive)

 

 

La question suivante mérite d’être posée :

Qu’est-ce qu’une valeur extrême dans le domaine des analyses bactériennes ?

Une erreur de mesure peut entraîner une surévaluation de la concentration ou, au contraire une sous évaluation.

Il semble normal d’éliminer 15 % du corpus d’analyses (comme le permet la directive) mais pourquoi n’élimine-t-on que les résultats allant dans le sens des Maires ceux qui peuvent dégrader le classement du site de baignade?

 

Le corpus d’analyses de la période estivale, déjà grevée des analyses réalisées pendant les périodes pluvieuses est de plus amputé des analyses montrant des pollutions importantes (15% !)

 

Et maintenant, que se passe-t-il si vous ajoutez plusieurs analyses judicieusement réalisées durant les périodes de beau temps? Vous "diluez" les épisodes de pollutions dans un corpus élargi. Encore une façon de se cacher derrière son petit doigt ! (à Landunvez, on est ainsi passé de 8 analyses par saison à 14 voire 15 )

 

On peut, dès lors, se demander comment ce fait-il qu’il subsiste encore des sites de baignade non conformes.

 

A Landunvez, par exemple, le Maire abuse de ces fermetures préventives et pourtant, l’état de ses plages se dégrade.

 

 

A Douarnenez, la plage du Ris a été fermée suite à 5 années consécutives en état « insuffisant ».

 

Ce qui nous amène naturellement à la leçon n°3, sûrement la plus tordue :

 

Leçon n°3 : « jouer sur les mots ! »

 

Revenons à la directive 2006/7/CE et à cette pauvre plage du Riz à Douarnenez.

« Si des eaux de baignade sont de qualité «insuffisante» pendant cinq années consécutives, une interdiction permanente de baignade ou une recommandation déconseillant de façon permanente la baignade est introduite. Toutefois, un État membre peut introduire une interdiction permanente de baignade ou une recommandation déconseillant de façon permanente la baignade avant la fin du délai de cinq ans s'il estime qu'il serait impossible ou exagérément coûteux d'atteindre l'état de qualité «suffisante»»

 

Autrement dit, le Maire de Douarnenez est rudement honnête ou mal conseillé en la matière.

 

Mme Lamour, Maire de Ploudalmézeau, a elle dégainé son interprétation de cet article et, elle a gagné énormément de temps !

 

La plage de Tréompan a été classée 4 années consécutives en état « insuffisant ». Une année de plus dans ce classement aurait été synonyme de fermeture définitive.

Mme Le Maire a donc déclaré sa plage en fermeture préventive à l’année (soit pendant l’intégralité de la saison touristique).

 

Drôle d’idée n’est-ce pas ? (pas très vendeur pour les touristes)

 

Tout l’intérêt de cette fermeture annuelle tient dans le mot « consécutives ».

 

Si vous fermez préventivement votre plage durant toute la saison, l’intégralité des analyses de l’ARS seront éliminées du corpus d’analyses. La plage ne sera pas évaluée et vous cassez de façon artificielle le décompte du nombre d’années consécutives en état « insuffisant ».

Vous avez gagné 5 ans de tranquillité…

Le Maire de Landunvez en fait de même en 2019 en fermant sa plage du Château à l’année. On peut maintenant être à peu prés certain que l’on ne verra plus jamais de plages fermées définitivement par l’ARS.

 

 

On peut s’interroger, se creuser la tête pour savoir qui est derrière cette entreprise de contournement de la loi. Qui a intérêt à truquer les résultats ? Qui peut financer les juristes pour trouver ces failles dans la directive européenne ?

Les Maires, à leur niveau ne sont ni mathématiciens, ni juristes, ni stratèges au point de jouer avec la santé des gens pour pouvoir arborer des classements sanitaires présentables aux touristes soucieux de leur santé et de celle de leurs enfants.

N’est-on pas à la lisière de la tromperie et de la publicité mensongère ?

 

Le reportage de France 3 Région Bretagne du 2 juillet 2019 est consacré au sujet

https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/emissions/jt-1920-bretagne

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commentaires

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Vraiment curieux votre réflexion... A vous lire, il faudrait que les analyses soient mauvaises?! <br /> Ce point de vue semble en totale contradiction avec l'objet de votre association de promotion de la côte des légendes.
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W
On ne peut plus se voiler la face. La situation sanitaire est inacceptable et se dégrade sur les plages. <br /> Nos élus contournent la directive européenne dans le but de limiter la casse.<br /> De deux choses l'une, soit les pollutions bactériennes sont sans effet sur les baigneurs et alors oui, pas de souci, on met la poussière sous le tapis, on cache la situation par tous les moyens. <br /> Soit les pollutions bactériennes sont préoccupantes et alors cacher la vérité peut s'avérer dangereux, <br /> Voici un extrait du site internet de l'ARS:<br /> "La pollution microbiologique des eaux de baignade est essentiellement d'origine fécale.[...]<br /> Les troubles de santé liés à la qualité microbiologique de l'eau sont généralement bénins (ex : gastro-entérites, affections de la sphère ORL)."<br /> Nous devrions pouvoir venter aux visiteurs de passage une eau pure, celle de l'océan, or on en est à tricher pour justifier l'injustifiable...<br /> Au lieu de cela, les enfants locaux fréquentent toute l'année des eaux dont on connait par expérience l'état réel.